San Francisco : Interview avec le collectif Homes Not Jails !

Extrait de Fireworks n° 2, un petit journal anarchiste de San Francisco et alentours, paru à l’été 2013. Traduit par nos soins.

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Le collectif Homes Not Jails (HNJ) de San Francisco a été créé en 1992 en réponse au nombre très important de personnes à la rue, alors que dans le même temps il y avait énormément de maisons vides depuis des mois ou des années. A travers la réappropriation discrète de maisons vides, l’occupation de bâtiments publics et l’action directe, HNJ vise à satisfaire le droit humain de base qui est que tout le monde puisse avoir un logement sûr et gratuit. Le collectif s’occupe, par exemple, de repérer régulièrement des maisons vides en arpentant les rues et permet ainsi à celles et ceux qui en ont besoin de se loger pour quelques nuits. Le collectif est influencé par des slogans du genre « La propriété c’est du vol » ou bien « la propriété c’est de la violence » : « Il y a chaque nuit des personnes condamnées à dormir dans la rue, des personnes blessées, des personnes affamées, en train de crever, ou harcelées par la police… Comment dire que ce n’est pas de la violence, alors qu’il y a toutes ces maisons qui ne sont pas utilisées ? »

Homes Not Jails tient chaque semaine une réunion « action » en plus des ateliers réguliers d’éducation populaire. Les réunions du mardi soir permettent aux gens qui ont besoin d’un endroit pour la nuit de passer immédiatement à l’action. Lorsque l’assemblée commence, les personnes venues se présentent, puis expliquent si elles ont besoin ou non d’un logement pour la nuit ou si elles peuvent aider aux repérages après la réunion : « Quand on est dans une situation d’extrême galère pour la nuit à venir, c’est un peu compliquer d’aider directement à repérer des maisons. C’est pourquoi il y a un lieu dédié à l’accueil des gens pour la première nuit », dit le collectif HNJ. Une fois que la question de l’hébergement pour la nuit est réglée et que les rencarts sont pris pour la semaine, les personnes de l’assemblée forment des « équipes de recherche » pour partir repérer les maisons vides.

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Interview avec ZigZag sur le mouvement Idle No More

zz_int5Entretien réalisé en janvier 2013 pour le blog Sketchythoughts. La traduction a été réalisé à plusieurs mains…

Zig Zag, aussi connu sous le nom de Gord Hill, est un indien Kwakwaka’wakw et qui est un participant de longue date des mouvements de résistance anticoloniaux et anticapitalistes au «Canada». Gord est l’auteur du 500 Years of Indigenous Resistance Comic Book et du The Anti-Capitalist Resistance Comic Book. Il s’occupe aussi du blog warriorpublications.wordpress.com.

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Comics et pamphlets sur les luttes autochtones en Colombie Britannique et ailleurs

decolonization-1Les luttes autochtones notamment en Colombie-Britannique, mais plus généralement au Canada, sont loin d’être enterrées. En témoigne, par exemple, la lutte que mênent les Mi’kmaq au New Brunswick contre le gaz de schiste depuis début octobre 2013  :blocages de route, affrontements, 6 voitures de flics cramées, 4 personnes toujours en prison

Gord Hill, lui, lutte en Colombie-Britannique depuis un bon bout de temps, et transmet, en plus du site qu’il anime, Warrior Publications, la mémoire de ces luttes par ses dessins et bandes-dessinées. Le dernier bouquin qu’il a publié s’intitule « The Anti-Capitalist Resistance Comic Book » et revient sur feu le mouvement anti-globalisation des années 2000. Il y a un intérêt certain lorsqu’il relate la dite Bataille de Seattle (premier gros contre sommet avec du bordel en 1999) et tout le mouvement contre les Jeux Olympiques de Vancouver en 2010.

Mais avant ce livre, un certain nombre d’autres comics et zines avaient été publiés. Nous reproduisons ci-dessous War on the Coast [pdf], qui raconte la colonisation de la Colombie-Britannique au 19ème siècle, soit près d’un siècle de guerre sans pitié contre les peuples natifs pour coloniser ce petit bout de terre.

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Workin’class heroes III

Après un extrait de Tribulations d’un précaire qu’on avait publié précédemment, en voici un autre, tiré de Un petit boulot, premier roman du même Iain Levison. Encore un portrait au vitriol de l’Amérique des laissés-pour-compte…

 « […] Pendant que Tommy rentre dîner chez lui, un gamin de dix-sept ans, Patate, me fait visiter la boutique et m’explique comment on utilise la caisse enregistreuse. Il ne me regarde en face à aucun moment et il marmonne, mais Tommy m’a heureusement muni d’une brochure de la compagnie qui définit mes responsabilités. Je ne comprends rien à ce que dit Patate, mais le reste est facile à piger. Tous les articles sont passés au scanner, je n’ai donc pas besoin de connaître les prix, et la caisse fait le total. Mon principal boulot est de m’assurer qu’il n’y a pas de vol à l’étalage et qu’on essaie pas de me tirer dessus.

A cause des événements d’hier soir, l’arme que la boutique garde généralement derrière le comptoir est rangée avec les pièces à conviction au commissariat, de sorte que si quelqu’un essaie de me tirer dessus, le plan consiste, j’imagine, à essayer de planquer mes artères. Je suis censé aussi me sentir rassuré par le fait que les caméras de surveillance qui truffent le magasin prendront les tireurs en flagrant délit. Que les bandes d’enregistrement se trouvent dans une pièce non fermée à clef où n’importe qui peut entrer en enjambant mon cadavre rend ce système à quarante mille dollars totalement inefficace, d’après moi, mais c’est la sécurité de la compagnie. C’est elle qui s’occupe de nous.

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La révolte des GIs au Vietnam : un récit personnel de Dave Blalock

libertyTexte en anglais provenant du site anar britannique Libcom.org  et traduit par le Collectif Anarchiste de Traduction et de Scannerisation (CATS) de Caen en mars 2012.

Le vétéran du Vietnam Dave Blalock fut l’un des plaignants dont le recours légal auprès de la Cour Suprême infirma la loi du président Bush interdisant de brûler le drapeau américain. Le texte suivant détaille ses expériences au Vietnam : un exemple des méconnues et pour autant nombreuses mutineries, révoltes et élimination pure et simple des officiers par leurs troupes durant la guerre du Vietnam.

En complément de ce texte nous renvoyons à 2 très bons sites internet. L’excellent site internet Sir, No Sir qui rassemble plein de documents, en anglais, sur le mouvement des GIs et plus de 1500 illustrations, photos, couvertures de journaux etc. Et le site Freakence Sixties vaut également le détour : on peut trouver plein de traductions en français de documents concernant les mouvements étudiants, noirs, ouvriers, contre-culturels, anti-guerre aux USA dans les années 1960.

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Les États-Unis et « leurs » guerres : l’effet boomerang de la privatisation et des nouvelles technologies

Ce texte d’ Henri Simon est paru dans le bulletin Échanges n°136 (printemps 2011).

Se battre contre une « guerre du peuple »

Les guerres concomitantes en Irak et en Afghanistan, remarquables par leur durée (huit années pour la seconde guerre d’Irak, neuf pour celle d’Afghanistan) ont, outre ce caractère commun avec les guerres qui ont éclaté depuis la seconde guerre mondiale (huit pour la guerre d’Algérie, huit et six ans pour la guerre d’Indochine puis du Vietnam, dix ans pour l’ex-Yougoslavie), qu’elles ne sont et ne furent pas des guerres classiques d’État contre État mais des sortes de guerres intérieures (sans être des guerres civiles puisque d’autres États s’y sont impliqués) sans front bien défini, prenant la forme de guérillas. Schématiquement, on pourrait les définir comme les « guerres d’un peuple » contre la domination ou la tentative de domination d’une ou de plusieurs puissances étrangères.

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Grand Jury : des nouvelles de l’inquisition à l’encontre des anarchistes du Northwest

800_1Une petite traduction d’un article de Fifth Estate n° 389 (été 2013) qui revient rapidement sur les suites du bras de fer entre les anarchistes du nord-ouest des States et le grand jury qui les ciblent tout particulièrement depuis juillet 2012. Le grand jury est une procédure « exceptionnelle » (sic) où des personnes sont convoquées pour « témoigner » sans être pour autant mis en examen. Le refus de témoigner, c’est-à-dire de collaborer et de balancer des informations est un crime qui conduit en taule. Le même genre de  crime existe en Allemagne : dans l’affaire concernant Sonia (toujours détenue) et Christian – les deux ont plus de 65 ans – inculpés pour des faits datant des années 70, Sibylle (la soixantaine également) a refusé de témoigner en avril 2013 et s’est pris 4 mois de prison uniquement pour ça. Solidarité sans frontières !

Les anarchistes luttant contre le « grand jury » retrouvent leur liberté.

Jusqu’à la fin février 2013, trois anarchistes résistants au grand jury,  Matt Duran, Katherine « KteeO » Olejnik, et Maddie Pfeiffer, étaient maintenus à l’isolement dans la prison fédérale de Seattle. Les trois refusent de coopérer à une enquête gouvernementale sur le mouvement anarchiste du Northwest. Au début, les interrogatoires se sont focalisés sur les dégradations survenues pendant les 1er mai 2012 à Seattle. Mais après un grand nombre de questions posées pendant les auditions du grand jury, il est devenu évident que les différentes forces de police, aussi bien fédérales que locales, étaient intéressées par bien d’autres choses. Le 27 février 2013,  un juge fédéral a décidé que Duran et Olejnik avaient fait preuve de leur détermination à refuser de témoigner, et ils ont été libérés de prison après y avoir passé cinq mois. Pfeiffer est sorti de l’isolement fin février et libéré pour les mêmes raisons que les deux autres le 11 avril après avoir passé plus de 4 mois dedans.

Le gouvernement a l’intention de dresser la carte et de réprimer les groupes anarchistes et leurs connections en utilisant de gros moyens de surveillance, comme il l’a déjà fait par le passé avec les mouvements radicaux. Les documents du FBI révèlent que les agences gouvernementales surveillaient les anarchistes du Northwest déjà bien avant les évènements du 1er mai, où des manifestants, dont certains vêtus de noir, ont attaqué les vitres et les portes du tribunal fédéral William Kenzo Nakamura, des banques, ainsi que les vitrines de certains magasins dans le centre-ville. Un autre activiste du Northwest, qui a également été convoqué et mis en prison pour son refus de témoigner, a été relâché après seulement une semaine de détention. On ne sait pas si cette  libération est survenue ou non après « témoignage » à propos des réseaux anarchistes.

En juillet 2012, le tribunal fédéral local avait lancé des convocations et des mandats de recherche. Cela a servi de prétexte à de violentes perquisitions dans des maisons de Seattle et d’Olympia dans l’Etat du Washington, et des logements de Portland en Oregon. Les agents fédéraux y avaient alors saisi du matériel informatique et électronique, des vêtements et de la littérature politique. Alors que le gouvernement garde généralement secrets l’objectif et le contenu des procédures de grand jury, les procureurs fédéraux, eux, disent que ces interrogatoires font partie d’une grande enquête pour « crime violent en cours » (« ongoing vilolent crime »).

La solidarité avec les personnes qui refusent en acte le grand jury comprend les courantes manifestations de soutien devant les tribunaux, les diffusions de tracts, les concerts de soutien et les levées de fond pour les dépenses d’avocats et les mandats, ainsi que l’envoi de lettres de protestation aux procureurs, et bien-sûr la correspondance avec les prisonniers. Mais la solidarité s’exprime aussi par les activités débordant le cadre légal, comme le fait d’accrocher des banderoles, de faire des graffitis, de mettre hors-service les caméras de vidéosurveillance, et même des appels pour des attaques en ligne contre les sites du gouvernement, comme l’a fait le groupe de hackers Anonymous.

Plusieurs personnes ont anticipé le fait d’être convoquées devant le grand jury et semblent tout simplement être parties en vacances. L’un d’entre eux, l’activiste de Portland, Kerry Cunneen, qui avait reçu une convocation, a refusé de coopérer et de soumettre volontairement à une mise en détention. Il a affirmé dans un communiqué : « Je ne coopérerais pas avec ce grand jury et je n’aiderais pas non plus et d’aucune manière l’Etat dans sa volonté d’enfermer des gens. Je réaffirme fermement ma solidarité avec les actions… de la manifestation du 1er mai et avec toutes celles réalisées à l’encontre de l’Etat et du Capital et dont l’objectif est une société plus libre. » Dans un entretien radio de janvier 2013, Cunneen a rajouté, « Je refuse de comparaître car je méprise l’Etat… Je refuse de les aider parce que je suis pour l’abolition des prisons. Je refuse cela avec une haine viscérale pour la loi et tout ce qu’elle signifie. Je suis content de ce petit peu de résistance que je peux apporter quand je refuse de leur donner des informations. Je respecte et j’admire Matt, KteeO, et Maddy, pour avoir fait le sacrifice  de se présenter devant le tribunal et de s’être ainsi fait enfermés pour une durée indéterminée. Je ne suis juste pas enthousiaste à l’idée de faire le moindre pas en direction d’une cellule. »

D’autres convocations avec des charges criminelles pourraient très bien être envoyées par ce grand jury avant le terme prévu de l’enquête en mars 2014, à moins que le terme ne soit lui-même repoussé.

Plus d’infos :

A propos de grizzlis et de wilderness…

… un film et une ritournelle.

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Le film c’est le documentaire ovni Grizzly Man, qui relate la folie d’un américain, dénommé Timothy Treadwell, pour les grizzlis sauvages d’Alaska, et peut-être plus généralement un des aspects du rapport à la nature des nord-américains. Le gars part 13 années consécutives pour des séjours de plusieurs mois en Alaska pour faire ami-ami avec ces dangereux ours. On le voit se filmer avec eux, les appeler par les petits noms qui leur a filé, tenter de vivre avec eux pour retrouver le wilderness et partir loin du monde civilisé. Il n’aura pas malheureusement ni le temps de voir les rushes ni celui de monter son documentaire, parce ce qu’il se prendra une affectueuse petite caresse de la part d’un grizzly affamé qui en fera un bon repas ! Le cinéaste Werner Herzog récupérera les bandes intactes et retracera en 2005 la vie et les périples de ce fou de nature…

Et une ritournelle trouvée on ne sait plus trop où (mais on remercie chaleureusement leurs auteurs). Cette chansonnette contée reprend le fameux bouquin pour enfants Mais je suis un ours ! de Frank Tashlin (1946) en l’adaptant quelque peu. Un ours se retrouve à être enfermé dans une usine et à être mis au travail forcé, le problème étant qu’il ne veut pas s’y conformer et insiste  simplement par des «mais je suis un ours !» Ça fait rudement plaisir ! Excellent !

 

 

Le bon frère, un roman noir de Chris Offutt

S’il fallait assigner aux bouquins de Chris Offutt un genre littéraire bien précis, on serait embarrasser car on ne pourrait le faire aisément. Et pour cause, ceux-ci sont à la croisée de deux grands chemins, le roman noir (hardboiled novel) et le nature writing américain. Quasi inconnu en France au bataillon des auteurs américains de romans noirs, il s’inscrit pourtant dans la grande lignée de ces écrivains qui s’emparent de cadavres et de sang, de violences et de rages, de destins tragiques et d’idées sombres, pour parler de complexité sociale et humaine, pour conter la vie et ses turpitudes : comme l’on fait les Hammet, Thompson, Ellroy, Hillerman, Bunker, Lehane, et tous les autres…

Mais comme il a grandi dans les Appalaches de l’Est du Kentucky, Chris Offutt reste entièrement pénétré par la vie rude et sauvage des collines montagneuses, par le wilderness et la nature. Pour cela, il appartient également à l’école du nature writing américaine. Ce courant propre aux Etats-Unis est sans doute, une réponse, un écho, ou plutôt une conséquence du rapport à la Nature – et à l’Histoire – qu’entretient l’imaginaire américain. La colonisation du continent dans son ensemble (Canada compris, donc) ne date que de deux ou trois siècles. Et l’espace que prend la nature est gigantesque tant en superficie qu’au regard des zones urbanisées. La nature est bel et bien là, bien souvent non domptée, à une échelle autrement plus importante que sur le Vieux Continent, qui, lui, a eu près de deux ou trois millénaires (au bas mot) pour encadrer, exploiter et muséifier la moindre parcelle de verdure. Mais revenons à nos moutons, Chris Offutt participe de ce nature writing tout comme les grands noms du genre, Edward Abbey et son explosif Gang de la clef à molette, ou bien James Dickey et le magnifique Délivrance (qui fut adapté et donna le film du même nom). Deux livres réédités ces dernières années chez Gallmeister, éditeur français spécialisé dans le genre.

La Gallimard noire, elle, s’est  chargée de publier quelques traductions de bouquins d’Offutt. On se rappelle de Kentucky Straight, recueil de nouvelles sorti en 1999 : quelques petites pépites notamment celle racontant une partie de poker, pour le moins crispée, quelque part dans un cabanon enneigé paumé sur le flanc d’une montagne des Appalaches. Un petit chef d’œuvre. Les autres relatant les histoires difficiles, faites tant de misères que de joies, de ces « rednecks » autant attachés à leurs montagnes, à leurs forêts, à leur nature malgré la rudesse de leur condition, qu’hostiles au monde urbain et à l’american way of life de vigueur. Ce qu’on peut d’ailleurs voir aussi dans l’excellent film Winters’ bone sorti il y a quelques années.

Le bon frère s’inscrit dans la même veine mais ne se contente pas d’en rester au stade du recueil de nouvelles. Ce gros bouquin de plus de 400 pages publié en 2000 n’aura pourtant pas eu la même destinée éditoriale. Il n’aura pas été réédité en format poche comme le fut Kentucky Straight et, est donc de ce fait, assez difficile à trouver. Bien content d’avoir mis la main dessus à L’Amour du noir, l’unique bouquiniste de Paname spécialisé en roman noir ! Le bon frère, donc : une histoire de violence, de vengeance et de code de l’honneur entre familles rednecks du Kentucky. Une histoire d’exil et de nouvelle vie semi-clandestine  dans les montagnes du Montana. Une histoire d’attachement à son bout de nature et à sa famille pourtant castratrice et étouffante. Une histoire de groupes sécessionnistes dingos et de suprémacistes blancs qui veulent restaurer, l’arme au poing, une Amérique des pionniers débarrassée de l’Etat fédéral et de ses lois (sans doute un peu comme à Waco et Ruby Ridge ou bien le mouvement des Montana Freemen). Une histoire, enfin, de sang et de neige, de tourments et d’infinie sérénité, qui offre à voir les paysages, les mentalités et les imaginaires de deux coins de cambrousse un peu paumée des Etats-Unis d’aujourd’hui, les collines des Appalaches au Kentucky et les Rocky Mountains aux alentours de Missoula au Montana. Le tout, avec une plume fine et incisive, sans jamais tomber dans la facilité du livre de genre,… justement !

En voici un large extrait (kentuckien) :

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Detroit, ville mutante ?

3832131096_46783b68cd_bDetroit ? Une ville malade ? Une carcasse de ville ? Une ville post-catastrophe ? Un peu de tout ça sans doute….

Un fantôme de ville

Commençons donc par le décor quasi apocalyptique. Les maisons sont abandonnées par dizaines de milliers et certains quartiers sont tout simplement déserts. Des baraques sont éventrées, les carreaux cassés, le toit cramé. Des habitations se trouvent une seconde vie en hébergeant herbes folles, arbustes et toute la flopée d’écosystème qui va avec. Des logements sont squattés  pour une nuit par les galériens en mal d’abri, et des tas de maisons sont barricadées avec de grandes planches de bois solidement vissées. Et partout, les mêmes panonceaux, plus ou moins délabrés par le temps, rabâchent leur éternelle rengaine « For lease », « For sale », à louer, à vendre, à vendre à louer…

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North Dakota, Road 85, la nouvelle ruée vers l’or noir.

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150 kilomètres de route rectiligne au milieu de la pampa, du wilderness, et des pâturages à perte de vue du Dakota du Nord. Mais depuis quelques années, cette ancienne terre de bisons et d’indiens, constitue le nouvel eldorado américain, paradis moderne pour quiconque veut se faire un bon petit paquet  d’oseille sans trop craindre les boues toxiques engendrées par l’extraction des pétroles et autres gaz de schiste. Voilà que ce petit tronçon de route est devenu en cinq ou six années, le nouveau centre stratégique de la production d’hydrocarbures des Etats-Unis. Ces derniers seraient, avec cette découverte, à nouveau quasi autonomes au niveau énergétique. Et les experts et autres ingénieurs de service d’assurer qu’il y en a encore pour 15 bonnes années à extirper la substantifique moelle,  les 7 milliards de barils qui s’y trouvent. Alors, les gars accourent de tous les Etats, qui pour conduire les camions, qui pour les réparer, qui pour bosser au fracking, qui pour construire la 2×3 voies… En espérant ainsi pouvoir rembourser le crédit contracté au pays, éponger leur dettes, voire même peut-être mettre un peu d’argent de côté. Les salaires sont encore élevés pour l’instant, de l’ordre de 10000 dollars par mois d’après les chiffres officiels. 65000 jobs ont déjà été pris et au moins 20000 autres attendent preneurs. Mais quand la main d’œuvre se fera moins rare et que les postes seront tous pourvus gageons que les patrons s’empresseront de baisser les payes… Que restera-t-il  alors ? Seulement les conditions précaires de travail à bosser durement plus d’heures par jour qu’il n’y en a de soleil en hiver ? Seulement les caravanes pourries dans lesquelles on loge pour ne pas voir toute sa thune partir en motel ? Ou bien, une région sinistrée aux sols ravagés ? On verra bien. Pour l’instant c’est la ruée vers l’or.

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Workin’ class heroes II

Deux films sur les prolos américains des années 70 et leurs luttes…

BluecollarposterLe premier, Blue Collar de Paul Schrader (1971), relate l’histoire de trois ouvriers – deux noirs et un blanc – de chez Ford à Detroit. Ils en ont marre de se faire exploiter pour des clopinettes, et ils en ont marre également du syndicat corrompu qui est sensé les représenter. Il décide de se faire la caisse du syndicat… Ce polar, qui n’a pas pris une ride, explore, entre chronique sociale et film politique, la collusion structurelle des syndicats avec le pouvoir.

La bande annonce.

Et un extrait de la B0, Hard workin’ man de Captain Beefheart  :

 

220px-Harlan_county_usaLe second, Harlan County USA de Barbara Kopple (1976), est un prodigieux documentaire qui suit la lutte de mineurs du Kentucky. Lutte âpre et difficile contre le patron, les jaunes et le syndicat officiel, avec son lot de tension extrême sur les piquets, d’intervention d’hommes de mains, de morts… Ambiance exploitation comme au XIXème siècle. Extrêmement bien filmé, on se perd parfois à penser que c’est une fiction façon thriller, et non plus, bel et bien, un documentaire. Enfin, on apprécie tout particulièrement la bande son du film composée entièrement de chansons de lutte folk, country, blues et bluegrass…

On peut télécharger le film : ici. Et les sous-titres inédits en français, .

Et pour la bande originale, c’est : !

Et un petit morceau tout de suite, Coal miner’s grave d’Hazel Dickens :

Occupy, cette agaçante interruption du business as usual

Un petit texte déjà publié il y a un peu plus d’un an sur internet, qui donne un aperçu sur le grand mouvement qui a bien secoué les États-Unis d’octobre à décembre 2011. Un point de vue enthousiaste sur le mouvement Occupy par Charles Reeves.

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Les révoltes du printemps arabe ont fait tomber des gouvernements autocratiques, remplacés dans la foulée par des régimes de démocratie parlementaire, dans lesquels les classes dirigeantes ont pu préserver leur pouvoir — confirmant, une fois de plus, la nature commune de ces deux formes de gouvernement des pauvres. Avec le mouvement des Indignés européens – grecs et espagnols en particulier – nous avons fait un saut qualitatif, nous sommes passés à la critique des systèmes représentatifs. Et cette critique est maintenant reprise et développée, outre-Atlantique, par le mouvement Occupy. Que ces questions soient posées dans la société constituant la clé de voûte du système capitaliste est en soi d’une grande importance.

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Workin’ class heroes I

Extrait de Tribulations d’un précaire de Iain Levison.

« Au cours des dix dernières années, j’ai eu quarante-deux emplois dans six États différents. J’en ai laissé tomber trente, on m’a viré de neuf, quant aux trois autres, ça a été un peu confus. C’est parfois difficile de dire exactement ce qui s’est passé, vous savez seulement qu’il vaut mieux ne pas vous représenter le lendemain.

Sans m’en rendre compte, je suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne du Tom Joad des Raisins de la colère. A deux différences près. Si vous demandiez à Tom Joad de quoi il vivait, il vous répondait : « Je suis ouvrier agricole. » Moi, je n’en sais rien. L’autre différence, c’est que Tom Joad n’avait pas fichu quarante mille dollars en l’air pour obtenir une licence de lettres.

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