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Workin’class heroes III

Après un extrait de Tribulations d’un précaire qu’on avait publié précédemment, en voici un autre, tiré de Un petit boulot, premier roman du même Iain Levison. Encore un portrait au vitriol de l’Amérique des laissés-pour-compte…

 « […] Pendant que Tommy rentre dîner chez lui, un gamin de dix-sept ans, Patate, me fait visiter la boutique et m’explique comment on utilise la caisse enregistreuse. Il ne me regarde en face à aucun moment et il marmonne, mais Tommy m’a heureusement muni d’une brochure de la compagnie qui définit mes responsabilités. Je ne comprends rien à ce que dit Patate, mais le reste est facile à piger. Tous les articles sont passés au scanner, je n’ai donc pas besoin de connaître les prix, et la caisse fait le total. Mon principal boulot est de m’assurer qu’il n’y a pas de vol à l’étalage et qu’on essaie pas de me tirer dessus.

A cause des événements d’hier soir, l’arme que la boutique garde généralement derrière le comptoir est rangée avec les pièces à conviction au commissariat, de sorte que si quelqu’un essaie de me tirer dessus, le plan consiste, j’imagine, à essayer de planquer mes artères. Je suis censé aussi me sentir rassuré par le fait que les caméras de surveillance qui truffent le magasin prendront les tireurs en flagrant délit. Que les bandes d’enregistrement se trouvent dans une pièce non fermée à clef où n’importe qui peut entrer en enjambant mon cadavre rend ce système à quarante mille dollars totalement inefficace, d’après moi, mais c’est la sécurité de la compagnie. C’est elle qui s’occupe de nous.

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Workin’ class heroes I

Extrait de Tribulations d’un précaire de Iain Levison.

« Au cours des dix dernières années, j’ai eu quarante-deux emplois dans six États différents. J’en ai laissé tomber trente, on m’a viré de neuf, quant aux trois autres, ça a été un peu confus. C’est parfois difficile de dire exactement ce qui s’est passé, vous savez seulement qu’il vaut mieux ne pas vous représenter le lendemain.

Sans m’en rendre compte, je suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne du Tom Joad des Raisins de la colère. A deux différences près. Si vous demandiez à Tom Joad de quoi il vivait, il vous répondait : « Je suis ouvrier agricole. » Moi, je n’en sais rien. L’autre différence, c’est que Tom Joad n’avait pas fichu quarante mille dollars en l’air pour obtenir une licence de lettres.

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