Archives mensuelles : septembre 2014

Lordstown 1972 : les déboires de la General Motors

arton699« Terminée en 1970, l’usine de Lordstown, qui possède les machines les plus modernes et les plus sophistiquées, avait été conçue comme un modèle du genre. Au lieu de cela, elle est devenue le “Woodstock” de l’industrie : cheveux longs et tenues hippies y sont de rigueur, et l’absence totale de discipline rend impossible le bon fonctionnement de la chaîne. En choisissant cette petite localité de l’Ohio, loin de Detroit et de ses habitudes en matière de construction automobile, la General Motors espérait rassembler une main d’œuvre jeune et totalement nouvelle. Elle l’a eue… » L’Expansion.

I.

Inaugurée en juin 1970, l’usine où l’on monte la voiture « super-compacte » Vega est revenue à plus de 100 millions de dollars à la General Motors (GM). La nouvelle unité de fabrication d’une conception ultramoderne et bourrée d’innovations technologiques, devait permettre de faire face à la crise que traverse l’industrie automobile américaine face à la saturation du marché et à la concurrence étrangère. Elle se trouve à Lordstown (Ohio). Selon le directeur général de Chevrolet, dont la division prenait en main l’usine, celle-ci représentait « un niveau de qualité qui n’a encore jamais été atteint, en matière de fabrication, dans ce pays ni probablement dans le monde entier ». Il ajouta que les 8.000 employés de Lordstown étaient « très attachés à cette usine ». « C’est la voie de l’avenir », observait, après une visite, un analyste boursier dans le Wall Street Journal.

Que Lordstown soit devenu « la voie de l’avenir », c’est ce que nous nous proposons de montrer ici. Nous n’irons cependant pas jusqu’à prétendre que notre point de vue corresponde aux espérances des habitués de Wall Street ! En février 1972, les ouvriers à Lordstown votent à 97% une grève pour riposter aux mesures de réorganisation et aux suppressions d’emploi décidées par la division montage de la GM (GMAD), qui a remplacé la division Chevrolet à la tête de l’usine. Mais les ouvriers dont l’âge moyen est de 24 ans n’avaient pas attendu la décision de grève pour passer aux actes. Et quels actes ! Selon le New York Review du 23 mars 1972, « Dès avant ce vote, les usines de Lordstown s’étaient acquises une triste célébrité : changements de direction, licenciements, sanctions disciplinaires, augmentation des défauts de fabrication, protestation des ouvriers contre l’accélération des chaînes de montage, coulage des temps, absentéisme élevé, accusations répétées de sabotage. La direction affirme que les ouvriers ont rayé les peintures, détérioré les carrosseries, les sièges et les tableaux de bord des voitures, et elle a offert 5.000 dollars de récompense à toute personne qui donnerait des renseignements sur un incendie qui s’est déclaré dans les circuits électriques de la chaîne de montage elle-même. » Le New York Times précise le tableau : « La production a été sérieusement désorganisée sur la chaîne de montage la plus rapide du monde… GM estime que la perte de production s’élève à 12.000 voitures Vega et à quelque 4.000 camions Chevrolet, pour une valeur d’environ 45 millions de dollars. La direction a dû fermer l’usine à plusieurs reprises depuis le mois dernier après que les ouvriers eurent ralenti les cadences et laissé passer des voitures sur la chaîne sans effectuer toutes les opérations. »

Continuer la lecture de Lordstown 1972 : les déboires de la General Motors

Toujours de la tension à Ferguson, Missouri

A1C60C4A-4EFF-4279-9BF3-3754F34B6F3C_cx0_cy3_cw99_mw1024_s_n_r1-e1411911231781Coups de feu sur deux flics samedi 27 septembre au soir après un début de semaine émeutier.

 

Le samedi 27 septembre 2014, on apprend par la presse américaine que deux flics (un en service et l’autre en civil) ont été atteints par des tirs d’armes à feu à Ferguson et St-Louis. Tout ceci est une réponse à l’oppression de la police: entre harcèlements, tabassages et tirs souvent mortels, incarcérations au quotidien… et récemment à l’assassinat du jeune Mike Brown début août à Ferguson.

Le porte-parole de la police du comté de Saint-Louis, Brian Schellman, dont dépend Ferguson, a confirmé que le premier agent avait été touché par balle, à un bras, samedi lors d’une patrouille. Voyant un homme fuir alors qu’il lui demandait ce qu’il faisait là, le policier s’est lancé à sa poursuite et «l’homme a tiré des coups de feu» sur lui, a expliqué le porte-parole. Le policier a tiré à son tour et on ignore si le suspect, qui demeurait introuvable, a été atteint.

Plus tard dans la nuit, un autre policier a été la cible de tirs provenant d’un nombre inconnu d’assaillants à Saint Louis alors qu’il conduisait sur une autoroute et n’était pas de service. L’agent a été légèrement blessé par des éclats de verre de son véhicule touché par balle, mais n’a pas répliqué, selon la police. «On ne sait pas pour l’instant si l’agent était personnellement visé ou s’il a été la cible d’un acte aveugle de violence», a dit Brian Schellman.

Continuer la lecture de Toujours de la tension à Ferguson, Missouri

Palante*! Une brève histoire des Young Lords

04c49d32d5aa6bddf8f7b597c7d0e732Une courte histoire sur les Young Lords (littéralement « les Jeunes Seigneurs »), un gang portoricain qui, dans les années 70,  évolua en organisation politique marxiste.

Cela commença un dimanche dans les rues d’El Barrio (littéralement « Le Quartier », à East Harlem), New York, en 1969. Des tas d’ordures pourrissantes avaient été laissés se décomposer dans la communauté portoricaine, même si le camion benne du service de voirie était juste à côté du bloc. Durant des semaines les gens balayèrent patiemment les rues et mirent en sacs eux/elles mêmes les ordures, attendant que la municipalité fasse son travail. La communauté essaya chaque avenue et donna toutes les chances à la municipalité de remplir ses plus élémentaires fonctions. Mais la bureaucratie ne répondit pas. Vieux et vieilles, jeunes, agents hospitaliers, étudiants et petits commerçants commencèrent à traîner au milieu de la rue les ordures qui avaient été laissées à pourrir sous le soleil de l’été, construisant des barricades de plus d’un mètre. Et pour être sûrs que le trafic sur la 3ème avenue n’allait pas être possible, ils mirent le feu aux ordures. Quand la municipalité vint finalement, c’était le NYPD (New York Police Department – NdT) et les pompiers, pas le service de la voirie. La communauté les accueillit avec une grêle de pierres, de bouteilles et d’ordures. Les Young Lords avaient été impliqués dans l’organisation du nettoyage des rues durant des semaines et maintenant ils menaient l’offensive.

« Les rues et moi appartenons au peuple ! La lune appartient au peuple ! Le pouvoir au peuple ! » criait la communauté. Tandis que les pauvres flics essayaient de traîner les ordures fumantes, les Young Lords célébraient leur première victoire, gagnant les cœurs de la communauté portoricaine et s’attirant la colère du NYPD.

L’organisation des Young Lords de New York (le Parti des Young Lords plus tard) fut fondé par un groupe d’étudiants principalement portoricains venant des facs SUNY-Old Westbury, du Queens et de l’université de Columbia. Ils étaient inspirés par le Parti des Panthères Noires (Black Panther Party, BPP) et un groupe de Chicago, dans l’Illinois, appelé les Young Lords. Les Young Lords de Chicago avaient attiré l’attention au niveau national en prenant possession d’une église locale afin de fournir des soins aux enfants, un programme de petits-déjeuners et d’autres programmes orientés vers la communauté.

Continuer la lecture de Palante*! Une brève histoire des Young Lords

Fireworks n°3

FireWorks3_cover

Sortie, qui date déjà un peu c’est vrai, du n°3 de « Fireworks – a Bay Area anarchist news magazine« , journal anar de San Francisco, Oakland et alentours. Au sommaire, la lutte contre la surveillance et les caméras, la bataille contre Google et la gentrification de la ville, le compte-rendu des initiatives et actions des réseaux « antagonistes » comme ils disent, et un retour sur la grande grève de la faim qui a secoué les prisons californiennes durant l’été 2013 (30000 taulards en mouvement !)…

On achève bien les chevaux…

Fiction de Sydney Pollack (1969).

En pleine crise des années 1930 en Californie, un marathon où les candidats dansent jusqu’à épuisement pendant des jours pour gagner de quoi manger et une prime pour les vainqueurs est organisé pour divertir les puissants. On achève bien les chevaux quand ils sont blessés… Ici ce sont les pauvres, accablés par le chômage, qu’on écrase une dernière fois en faisant de leur misère un spectacle terrifiant que les plus riches aiment regarder pour se rappeler qu’ils ne sont pas de la même classe… Ce film est inspiré du roman homonyme de Horace McCoy.

Wobblies & hobos – 1905-1919

nicoleschulman_64627_coverforwobbliesgraphichistoryIndustrial Workers of the World : agitateurs itinérants aux USA

Toujours à la recherche des racines mythiques du rock ’n’ roll. Pour situer par rapport à de précédentes livraisons nous rappellerons que Woody Guthrie est né en 1915, à peu près au moment où l’histoire racontée par ce livre s’achève. Bien que le bouquin soit livré avec un CD de 21 chansons, dont nous reparlerons à la fin de cet article, son sujet est avant tout d’ordre politique. Il est sûr qu’avec L’Insomniaque (43 rue de Stalingrad / 93 000 Montreuil / 01 48 59 65 42) comme maison d’éditions, l’on ne peut s’attendre à une littérature à l’eau de rose, plutôt du rouge sang et du noir anarchie.

L’on ne fait pas de la musique uniquement avec des instruments et des notes. Ce serait trop facile. Faut encore dépendre d’une culture à laquelle on se rattache au moins phantasmatiquement. Les images d’Epinal que véhiculent le rock sont bien connues. Derrière chaque accord de guitare se cache un lonesome cowboy ( qui fume une cigarette lorsqu’il a réussi à se faire sponsoriser, ce qui arrive de plus en plus souvent dans le rock actuel ) qui croise au coin d’une rue un vieux et pauvre noir aveugle qui pleure en soufflant dans un harmonica. Cœur rebelle et âme perdue. Pas mieux comme casting. N’ont pour toute richesse que leur solitude et leur désespoir. Mais les ont gagnés de haute lutte.

Quand on y réfléchit, ce n’est ni plus ni moins que le mythe du oneself made man. Revu et corrigé certes, de façon à le rendre acceptable aux adolescents qui à leur âge détestent ressembler à leurs pères. Beaucoup de nos louveteaux changeront d’avis en cours de route, mais ceci est une autre histoire.

Continuer la lecture de Wobblies & hobos – 1905-1919

Train hopping & the Crew Change Guide

2188193969_773222d01b_bLe train hopping consiste à choper le train en marche et voyager gratos à travers le continent. Pratiquer par les hobos, vagabonds et autres galériens du train durant la grande crise de 29, le freight train hopping (voyage en train de marchandise) n’a cessé depuis d’être un bon moyen de se déplacer et de voyager pour des générations d’américains et de canadiens sans le sou.

Une « sous-culture » hobo et train-hopper continue d’exister en Amérique du Nord. Les voyageurs se refilent tuyaux et conseils. Que ça soit sur les types de trains de marchandises auxquels il faut s’accrocher au vol pour pouvoir grimper facilement ou ceux qui permettent de passer un trajet plus confort : les wagons à bétail bien classiques (« boxcar », d’où le titre du livre Boxcar Bertha), les « IM’s » (Intermodal containers, appelé aussi « Hotshots » or « Double Stack »), et ceux nommés « Junk » (wagons mixtes). Un certain nombre de recommandation sont souvent filés sur les fringues (vêtements chauds et solides), mais aussi sur les bons spots où grimper, sur les flics et les vigiles, etc etc…

Continuer la lecture de Train hopping & the Crew Change Guide

Les IWW dans la grève générale de Seattle de 1919

Strikers gather groceries as the strike begins.Une tentative de compréhension de l’implication réelle des IWW [Industrial Workers of the World, Travailleurs Industriels du Monde, syndicat révolutionnaire, regroupant des travailleurs/euses non qualifiés par branche industrielle] dans la grève générale de Seattle de 1919, tentative entravée par les mythes créés par la presse capitaliste et les leaders syndicaux de l’AFL de l’époque [American Federation of Labour, Fédération Américaine du Travail, qui regroupe essentiellement des travailleurs qualifiés dans des syndicats de métier, sur une base réformiste].

La grève générale de Seattle est un événement très important dans l’histoire du Nord-Ouest du Pacifique. Le 6 février 1919, les travailleurs/euses de Seattle devinrent les premierEs dans l’histoire des Etats-Unis à participer à une grève générale officielle. Cependant, beaucoup de gens savent très peu, si ce n’est rien, sur cette grève. Il est possible que le caractère capital de l’événement ait été perdu du fait de l’absence de violence, ou peut-être est-ce parce qu’il n’y eut pas de changements visibles dans la ville à la suite de l’événement. Mais la grève est une étape importante pour le mouvement ouvrier aux États-Unis, ne serait-ce que pour ce qu’elle représente. Les travailleurs/euses ont exprimé leur puissance à travers une action massive de solidarité, et ont démontré à la nation la puissance potentielle de la main d’oeuvre organisée. C’était une époque où les travailleurs/euses étaient généralement diviséEs selon des lignes idéologiques qui les empêchaient de parvenir très souvent à de telles actions de masses.
Pour beaucoup à l’époque, cependant, la grève représentait quelque chose d’autre: quelque chose de plus sinistre et extrême. Pour beaucoup des locaux/ales de Seattle, la grève était le début d’une tentative de révolution par les «IWW » et d’autres ayant les mêmes tendances radicales. Ces gens virent l’échec de la grève comme le triomphe du patriotisme dans la face du radicalisme parti trop loin. L’obstination de ces conservateurs/rices à voir les IWW derrière la grève à ce moment-là a créé un mystère quant à l’importance réelle du rôle des « Wobblies » [surnom donné aux membres des IWW] dans la grève générale de Seattle.

Continuer la lecture de Les IWW dans la grève générale de Seattle de 1919

Black Mirror