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A propos de grizzlis et de wilderness…

… un film et une ritournelle.

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Le film c’est le documentaire ovni Grizzly Man, qui relate la folie d’un américain, dénommé Timothy Treadwell, pour les grizzlis sauvages d’Alaska, et peut-être plus généralement un des aspects du rapport à la nature des nord-américains. Le gars part 13 années consécutives pour des séjours de plusieurs mois en Alaska pour faire ami-ami avec ces dangereux ours. On le voit se filmer avec eux, les appeler par les petits noms qui leur a filé, tenter de vivre avec eux pour retrouver le wilderness et partir loin du monde civilisé. Il n’aura pas malheureusement ni le temps de voir les rushes ni celui de monter son documentaire, parce ce qu’il se prendra une affectueuse petite caresse de la part d’un grizzly affamé qui en fera un bon repas ! Le cinéaste Werner Herzog récupérera les bandes intactes et retracera en 2005 la vie et les périples de ce fou de nature…

Et une ritournelle trouvée on ne sait plus trop où (mais on remercie chaleureusement leurs auteurs). Cette chansonnette contée reprend le fameux bouquin pour enfants Mais je suis un ours ! de Frank Tashlin (1946) en l’adaptant quelque peu. Un ours se retrouve à être enfermé dans une usine et à être mis au travail forcé, le problème étant qu’il ne veut pas s’y conformer et insiste  simplement par des «mais je suis un ours !» Ça fait rudement plaisir ! Excellent !

 

 

Le bon frère, un roman noir de Chris Offutt

S’il fallait assigner aux bouquins de Chris Offutt un genre littéraire bien précis, on serait embarrasser car on ne pourrait le faire aisément. Et pour cause, ceux-ci sont à la croisée de deux grands chemins, le roman noir (hardboiled novel) et le nature writing américain. Quasi inconnu en France au bataillon des auteurs américains de romans noirs, il s’inscrit pourtant dans la grande lignée de ces écrivains qui s’emparent de cadavres et de sang, de violences et de rages, de destins tragiques et d’idées sombres, pour parler de complexité sociale et humaine, pour conter la vie et ses turpitudes : comme l’on fait les Hammet, Thompson, Ellroy, Hillerman, Bunker, Lehane, et tous les autres…

Mais comme il a grandi dans les Appalaches de l’Est du Kentucky, Chris Offutt reste entièrement pénétré par la vie rude et sauvage des collines montagneuses, par le wilderness et la nature. Pour cela, il appartient également à l’école du nature writing américaine. Ce courant propre aux Etats-Unis est sans doute, une réponse, un écho, ou plutôt une conséquence du rapport à la Nature – et à l’Histoire – qu’entretient l’imaginaire américain. La colonisation du continent dans son ensemble (Canada compris, donc) ne date que de deux ou trois siècles. Et l’espace que prend la nature est gigantesque tant en superficie qu’au regard des zones urbanisées. La nature est bel et bien là, bien souvent non domptée, à une échelle autrement plus importante que sur le Vieux Continent, qui, lui, a eu près de deux ou trois millénaires (au bas mot) pour encadrer, exploiter et muséifier la moindre parcelle de verdure. Mais revenons à nos moutons, Chris Offutt participe de ce nature writing tout comme les grands noms du genre, Edward Abbey et son explosif Gang de la clef à molette, ou bien James Dickey et le magnifique Délivrance (qui fut adapté et donna le film du même nom). Deux livres réédités ces dernières années chez Gallmeister, éditeur français spécialisé dans le genre.

La Gallimard noire, elle, s’est  chargée de publier quelques traductions de bouquins d’Offutt. On se rappelle de Kentucky Straight, recueil de nouvelles sorti en 1999 : quelques petites pépites notamment celle racontant une partie de poker, pour le moins crispée, quelque part dans un cabanon enneigé paumé sur le flanc d’une montagne des Appalaches. Un petit chef d’œuvre. Les autres relatant les histoires difficiles, faites tant de misères que de joies, de ces « rednecks » autant attachés à leurs montagnes, à leurs forêts, à leur nature malgré la rudesse de leur condition, qu’hostiles au monde urbain et à l’american way of life de vigueur. Ce qu’on peut d’ailleurs voir aussi dans l’excellent film Winters’ bone sorti il y a quelques années.

Le bon frère s’inscrit dans la même veine mais ne se contente pas d’en rester au stade du recueil de nouvelles. Ce gros bouquin de plus de 400 pages publié en 2000 n’aura pourtant pas eu la même destinée éditoriale. Il n’aura pas été réédité en format poche comme le fut Kentucky Straight et, est donc de ce fait, assez difficile à trouver. Bien content d’avoir mis la main dessus à L’Amour du noir, l’unique bouquiniste de Paname spécialisé en roman noir ! Le bon frère, donc : une histoire de violence, de vengeance et de code de l’honneur entre familles rednecks du Kentucky. Une histoire d’exil et de nouvelle vie semi-clandestine  dans les montagnes du Montana. Une histoire d’attachement à son bout de nature et à sa famille pourtant castratrice et étouffante. Une histoire de groupes sécessionnistes dingos et de suprémacistes blancs qui veulent restaurer, l’arme au poing, une Amérique des pionniers débarrassée de l’Etat fédéral et de ses lois (sans doute un peu comme à Waco et Ruby Ridge ou bien le mouvement des Montana Freemen). Une histoire, enfin, de sang et de neige, de tourments et d’infinie sérénité, qui offre à voir les paysages, les mentalités et les imaginaires de deux coins de cambrousse un peu paumée des Etats-Unis d’aujourd’hui, les collines des Appalaches au Kentucky et les Rocky Mountains aux alentours de Missoula au Montana. Le tout, avec une plume fine et incisive, sans jamais tomber dans la facilité du livre de genre,… justement !

En voici un large extrait (kentuckien) :

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