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Petite histoire de la George Jackson Brigade

couvSortie du livre Petite histoire de la George Jackson Brigade d’Aviv Etrebilal chez Ravage Editions.

L’histoire de la George Jackson Brigade, groupe armé révolutionnaire et anti-autoritaire, est une histoire belle et sulfureuse, un récit de courage et de détermination méconnu et passionnant. Mais il ne serait pas intéressant d’en livrer un tableau hagiographique parfait, qui sonnerait bien faux. Dans cette Petite histoire de la George Jackson Brigade, nous explorerons l’histoire de ce groupe armé qui a opéré dans la région de Seattle au milieu des années 70, contre le système carcéral d’abord, mais aussi contre le capitalisme et la domination en général. Nous en profiterons également, à travers les parcours atypiques de ses membres, pour explorer quelques expériences rares de gangs de prisonniers homosexuels et transgenres, composés d’anarchistes et autres rebelles contre le sexisme, l’homophobie, les pratiques et la culture du viol et de l’esclavage sexuel dans le milieu carcéral, ainsi que contre toutes les prisons.

pomme perdue 3Un texte de Lilith Jaywalker, trouvé dans le zine Permafrost

Quand elle était petite, Lilith participait à tous les jeux de tirage du fromage Kiri ou du cacao Banania dans l’espoir de gagner le voyage en Amérique qui lui ferait découvrir Disneyland et les gratte-ciels de New York. Pour tout prix, elle ne reçut que quelques bons d’achat qui eurent néanmoins le mérite de faire d’elle une enfant incrédule.

Les années passèrent et l’adolescence venue, Mickey cessa brusquement de l’obséder. En revanche, elle rêvait toujours de croquer la grosse pomme. Elle dut patienter encore un peu, mais la vingtaine tout juste révolue, le temps d’une saison – celle de l’été indien 1981 – Lilith eut le privilège de sacrifier par trois fois ses semelles de cuir aux trottoirs d’un Bowery jonché de tessons de bouteilles et autres seringues usagées.

Le Boeing de la British Airways amorça son atterrissage un début de soirée, penché sur le côté au-dessus de la baie de Manhattan éclairée comme un gâteau d’anniversaire ou une vitrine de Noël et Lilith eut du mal à croire que c’était là son allure habituelle. Elle était impressionnée par ces géants qui lui semblaient avoir revêtu leur costume de fête en velours sombre aux mille boutons dorés et ne s’être dressés vers le ciel que pour l’accueillir, elle – juste pour que son rêve devienne réalité – en lui tendant les bras, tout en lui chuchotant à travers le hublot : – Bienvenue Lilith ! – Mais t’as encore rien vu, tu sais, attends d’être en bas…

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Black Autonomy Collective

Entretien avec Lorenzo Kom’Boa Ervin (1999)

78153Lorenzo est un militant et il est l’auteur de « Anarchism and Black Revolution »

Qu’est-ce qui t’a radicalisé et mené vers une vie de militantisme politique ? Qu’est-ce qui t’a mené vers l’anarchisme ?

J’ai été élevé dans le « Vieux Sud » avant l’avènement du mouvement pour les droits civiques des années 50 et 60. Bien que les protestations aient débuté et continué dans des villes du Sud dés 1954, ce n’est qu’avec le boycott des bus à Montgomery (Alabama) qu’elles sont de fait devenues plus qu’un phénomène local, et ont pris une importance nationale. Le boycott des bus est devenu un événement de renommée mondiale, et ont fait du Dr. Martin Luther King Jr. un personnage d’envergure internationale. Issu de la base, ce boycott m’a influencé ainsi que des millions d’autres Africains en Amérique car il reflétait le désir des masses noires de détruire les institutions étatiques blanches racistes qui existaient à l’époque dans le Sud.

La majeure partie de l’histoire du boycott des bus à Montgomery est assez connue, mais comme vous pouvez l’imaginer, la lutte pour les droits civiques n’était pas que l’œuvre du Dr. King. Même si on a créé un mythe national disant qu’il a suffi que Dr. King fasse quelques interventions devant les masses noires opprimées à Montgomery pour qu’un mouvement naisse et que son cri soit entendu par John Kennedy, le ‘grand maître blanc’ à Washington D.C., qui fît passer une législation de protection des droits civiques.
Cette version simpliste est de la propagande gouvernementale destinée à cacher l’hostilité et l’inaction du gouvernement fédéral, ainsi que le pouvoir du mouvement qui a obtenu des concessions du gouvernement et de ses appuis économiques. Par exemple, pour quelle raison E.D.Nixon, leader local de la National Association for the Advancement of Colored people (NAACP) et organisateur de base à Montgomery durant de nombreuses années, a-t-il été oublié de l’histoire ?

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[Los Angeles 1992] Le contexte d’un soulèvement prolétarien

19920004Texte de Aufheben. Repris de la brochure « Les émeutes de Los Angeles (mai 1992)« .

« Le 29 avril 1992, Los Angeles explosait dans ce qui devait constituer l’un des plus importants soulèvements urbains du siècle aux États-Unis. L’armée fédérale, la garde nationale et les forces de police venues de tout le pays mirent 3 jours pour rétablir l’ordre. Entre-temps les habitants de L.A. s’étaient réappropriés des millions de dollars de marchandises et avaient détruit pour plus d’un milliard de dollars de capital immobilier. »

Au-delà de l’image : les faits

Parce que la plupart de nos informations sur l’émeute nous sont parvenues par les médias capitalistes, il est nécessaire d’évaluer les distorsions que cela a créé. Tout comme lors de la guerre du Golfe, les médias ont donné l’impression d’une immersion complète dans la réalité alors qu’en fait ils fabriquaient une version falsifiée des événements. Alors que pendant la guerre du Golfe il y eut un effort concret de désinformation, à Los Angeles la distorsion fut moins le produit de la censure que de la totale incompréhension des médias de la bourgeoisie face à cette insurrection prolétarienne.

Le passage à tabac de Rodney King en 1991 ne fut pas un incident isolé, et s’il n’avait été filmé, il serait passé inaperçu ― perdu dans la logique de la répression raciste de la police qui caractérise si bien la domination capitaliste en Amérique. Mais, dès lors que cet incident de la vie quotidienne fut signalé à l’attention générale, il prit valeur de symbole. Tandis que le flot de l’information télévisée noyait l’événement dans le cours de l’interminable procédure juridique, les yeux des habitants de South Central restaient fixés sur un cas qui focalisait leur colère contre un système dont le calvaire de King était l’illustration parfaite. Dans tout le pays, mais spécialement à L.A., on sentait et on attendait que, quel que soit le résultat du procès, les autorités feraient les frais de la colère populaire. Pour les habitants de South Central, l’incident King ne fut qu’un déclic. Ils ignorèrent les appels de l’intéressé à l’arrêt du soulèvement parce qu’il n’en était pas la cause. La rébellion se fit contre le racisme qui s’exerçait tous les jours dans la rue, contre la répression systématique des cités, contre la réalité du racisme quotidien du capitalisme américain.

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[Los Angeles 1992] Los Angeles n’était qu’un début

5_92F_15Texte de Mike Davis. Repris de la brochure « Les émeutes de Los Angeles (mai 1992)« .

Le bûcher des illusions

Los Angeles : un transport de troupes blindé occupe le coin de la rue ― un gran sapo feo, un gros crapaud moche, comme dit Emerio, un gamin de neuf ans. Ses parents évoquent avec anxiété, presque en murmurant, les desaparecidos : Raul, de Tepic, ou le grand Mario, la fille des Flores ou le cousin d’Ahuachapan. Comme tous les Salvadoriens, ils savent, d’expérience, à quoi s’en tenir sur les « disparitions » ; ils se souviennent de la guerre, au pays, des corps sans tête et de l’homme dont la langue avait été passée par le trou ouvert dans sa gorge, lui faisant comme une sorte de cravate. C’est bien pour ça qu’ils vivent maintenant à Los Angeles, Californie.

Maintenant, ils font le compte de ceux de leurs amis et voisins, Salvadoriens ou Mexicains, qui ont brusquement disparu. Certains sont encore dans les prisons du comté, comme autant de grains de sable bruns perdus parmi les 12 545 autres prétendues saqueadores (pillards) et incendarios (incendiaires) emprisonnés après ce qui fut la plus violente émeute populaire aux États-Unis depuis que les pauvres irlandais brûlèrent Manhattan en 1863. Ceux qui étaient sans papiers sont probablement déjà de retour à Tijuana, sans un sou et désespérés, brutalement coupés de leur famille et de leur nouvelle vie. En violation de la politique municipale, la police a livré à l’INS (Services de l’immigration) des centaines de malchanceux saqueadores sans-papiers voués à l’expulsion avant même que l’ACLU et les associations qui défendent les droits des immigrés aient réalisé qu’ils avaient été arrêtés.

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Scottsboro Alabama

9782915830859FSSortie du bouquin « Scottsboro Alabama – De l’esclavage à la révolution« , recueil de gravures de Lin Shi Khan et Tony Perez…

1931, Scottsboro, Alabama : neuf jeunes Noirs sont injustement accusés d’avoir violé deux femmes blanches à bord d’un train de marchandises. Arrêtés et condamnés en quatre jours, huit d’entre eux risquent la chaise électrique.

Ce recueil de 118 linogravures offre un point de vue inédit sur la bataille juridique et politique pour leur défense, l’une des plus célèbres de toute l’histoire américaine. Au-delà d’une simple dénonciation du racisme en vigueur dans le Sud des États-Unis, les auteurs ont voulu inscrire cet épisode dans le temps long de l’histoire de l’esclavage, et transformer ainsi le combat en faveur des « neuf de Scottsboro » en une lutte plus large pour la construction d’une société communiste.

Document rare sur la lutte des classes et les combats pour l’égalité raciale dans l’Amérique des années 1930, tout autant qu’œuvre graphique exceptionnelle, ces gravures réalisées à Seattle en 1935 ont été éditées aux États-Unis pour la première fois en 2002.

Un Young Lord se souvient…

Young_Lords_1Dans les années 1960 et 70, des jeunes latinos de New York s’auto-organisèrent au sein du Parti des Young Lords (littéralement les « Jeunes Seigneurs). Comme les Panthères Noires, cette organisation pratiqua l’action directe, rejeta le pacifisme et eut un caractère explicitement anti-capitaliste [sans compter son enracinement populaire… cela la rend intéressante malgré son verbiage marxiste- léniniste-maoiste et nationaliste – NdT]. Richie Perez (1944-2004) relate ses expériences et donne un aperçu de l’histoire du groupe.
Première partie

« Nous ne sommes pas tombéEs du ciel : les luttes de notre peuple ont créé les Young lords ».

Avons nous échoué ? Avons nous réussi ? Comment nous évaluer ? Comment pouvons nous juger/évaluer les générations (ou les secteurs progressistes dans chaque génération) ? Et comment nous évaluons nous NOUS-MÊMES ?

Est-ce qu’ils/elles ont avancé le point de départ pour la génération suivante ? Est-ce qu’ils/elles ont relié la génération suivante à la lutte pour la liberté – que CHAQUE génération doit mener ? Ont-ils/elles créé des structures organisationnelles pour faire cela ?

Ont-ils/elles construit la capacité combattante de notre communauté en contribuant à la préservation et au renforcement de l’existant ou au développement de nouveaux/elles leaders populaires ? Ont-ils/elles élevé le niveau idéologique et politique de la communauté ?

Ont-ils/elles simultanément préservé notre culture tout en la faisant progresser (c’est à dire le Hip-Hop comme continuation de la tradition orale, de la centralité de la danse…) ? Ont-ils/elles porté une attention particulière au développement politique des femmes et des jeunes (et en conséquence défié la domination masculine/patriarcale dans notre mouvement) ?

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Lordstown 1972 : les déboires de la General Motors

arton699« Terminée en 1970, l’usine de Lordstown, qui possède les machines les plus modernes et les plus sophistiquées, avait été conçue comme un modèle du genre. Au lieu de cela, elle est devenue le “Woodstock” de l’industrie : cheveux longs et tenues hippies y sont de rigueur, et l’absence totale de discipline rend impossible le bon fonctionnement de la chaîne. En choisissant cette petite localité de l’Ohio, loin de Detroit et de ses habitudes en matière de construction automobile, la General Motors espérait rassembler une main d’œuvre jeune et totalement nouvelle. Elle l’a eue… » L’Expansion.

I.

Inaugurée en juin 1970, l’usine où l’on monte la voiture « super-compacte » Vega est revenue à plus de 100 millions de dollars à la General Motors (GM). La nouvelle unité de fabrication d’une conception ultramoderne et bourrée d’innovations technologiques, devait permettre de faire face à la crise que traverse l’industrie automobile américaine face à la saturation du marché et à la concurrence étrangère. Elle se trouve à Lordstown (Ohio). Selon le directeur général de Chevrolet, dont la division prenait en main l’usine, celle-ci représentait « un niveau de qualité qui n’a encore jamais été atteint, en matière de fabrication, dans ce pays ni probablement dans le monde entier ». Il ajouta que les 8.000 employés de Lordstown étaient « très attachés à cette usine ». « C’est la voie de l’avenir », observait, après une visite, un analyste boursier dans le Wall Street Journal.

Que Lordstown soit devenu « la voie de l’avenir », c’est ce que nous nous proposons de montrer ici. Nous n’irons cependant pas jusqu’à prétendre que notre point de vue corresponde aux espérances des habitués de Wall Street ! En février 1972, les ouvriers à Lordstown votent à 97% une grève pour riposter aux mesures de réorganisation et aux suppressions d’emploi décidées par la division montage de la GM (GMAD), qui a remplacé la division Chevrolet à la tête de l’usine. Mais les ouvriers dont l’âge moyen est de 24 ans n’avaient pas attendu la décision de grève pour passer aux actes. Et quels actes ! Selon le New York Review du 23 mars 1972, « Dès avant ce vote, les usines de Lordstown s’étaient acquises une triste célébrité : changements de direction, licenciements, sanctions disciplinaires, augmentation des défauts de fabrication, protestation des ouvriers contre l’accélération des chaînes de montage, coulage des temps, absentéisme élevé, accusations répétées de sabotage. La direction affirme que les ouvriers ont rayé les peintures, détérioré les carrosseries, les sièges et les tableaux de bord des voitures, et elle a offert 5.000 dollars de récompense à toute personne qui donnerait des renseignements sur un incendie qui s’est déclaré dans les circuits électriques de la chaîne de montage elle-même. » Le New York Times précise le tableau : « La production a été sérieusement désorganisée sur la chaîne de montage la plus rapide du monde… GM estime que la perte de production s’élève à 12.000 voitures Vega et à quelque 4.000 camions Chevrolet, pour une valeur d’environ 45 millions de dollars. La direction a dû fermer l’usine à plusieurs reprises depuis le mois dernier après que les ouvriers eurent ralenti les cadences et laissé passer des voitures sur la chaîne sans effectuer toutes les opérations. »

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Palante*! Une brève histoire des Young Lords

04c49d32d5aa6bddf8f7b597c7d0e732Une courte histoire sur les Young Lords (littéralement « les Jeunes Seigneurs »), un gang portoricain qui, dans les années 70,  évolua en organisation politique marxiste.

Cela commença un dimanche dans les rues d’El Barrio (littéralement « Le Quartier », à East Harlem), New York, en 1969. Des tas d’ordures pourrissantes avaient été laissés se décomposer dans la communauté portoricaine, même si le camion benne du service de voirie était juste à côté du bloc. Durant des semaines les gens balayèrent patiemment les rues et mirent en sacs eux/elles mêmes les ordures, attendant que la municipalité fasse son travail. La communauté essaya chaque avenue et donna toutes les chances à la municipalité de remplir ses plus élémentaires fonctions. Mais la bureaucratie ne répondit pas. Vieux et vieilles, jeunes, agents hospitaliers, étudiants et petits commerçants commencèrent à traîner au milieu de la rue les ordures qui avaient été laissées à pourrir sous le soleil de l’été, construisant des barricades de plus d’un mètre. Et pour être sûrs que le trafic sur la 3ème avenue n’allait pas être possible, ils mirent le feu aux ordures. Quand la municipalité vint finalement, c’était le NYPD (New York Police Department – NdT) et les pompiers, pas le service de la voirie. La communauté les accueillit avec une grêle de pierres, de bouteilles et d’ordures. Les Young Lords avaient été impliqués dans l’organisation du nettoyage des rues durant des semaines et maintenant ils menaient l’offensive.

« Les rues et moi appartenons au peuple ! La lune appartient au peuple ! Le pouvoir au peuple ! » criait la communauté. Tandis que les pauvres flics essayaient de traîner les ordures fumantes, les Young Lords célébraient leur première victoire, gagnant les cœurs de la communauté portoricaine et s’attirant la colère du NYPD.

L’organisation des Young Lords de New York (le Parti des Young Lords plus tard) fut fondé par un groupe d’étudiants principalement portoricains venant des facs SUNY-Old Westbury, du Queens et de l’université de Columbia. Ils étaient inspirés par le Parti des Panthères Noires (Black Panther Party, BPP) et un groupe de Chicago, dans l’Illinois, appelé les Young Lords. Les Young Lords de Chicago avaient attiré l’attention au niveau national en prenant possession d’une église locale afin de fournir des soins aux enfants, un programme de petits-déjeuners et d’autres programmes orientés vers la communauté.

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Wobblies & hobos – 1905-1919

nicoleschulman_64627_coverforwobbliesgraphichistoryIndustrial Workers of the World : agitateurs itinérants aux USA

Toujours à la recherche des racines mythiques du rock ’n’ roll. Pour situer par rapport à de précédentes livraisons nous rappellerons que Woody Guthrie est né en 1915, à peu près au moment où l’histoire racontée par ce livre s’achève. Bien que le bouquin soit livré avec un CD de 21 chansons, dont nous reparlerons à la fin de cet article, son sujet est avant tout d’ordre politique. Il est sûr qu’avec L’Insomniaque (43 rue de Stalingrad / 93 000 Montreuil / 01 48 59 65 42) comme maison d’éditions, l’on ne peut s’attendre à une littérature à l’eau de rose, plutôt du rouge sang et du noir anarchie.

L’on ne fait pas de la musique uniquement avec des instruments et des notes. Ce serait trop facile. Faut encore dépendre d’une culture à laquelle on se rattache au moins phantasmatiquement. Les images d’Epinal que véhiculent le rock sont bien connues. Derrière chaque accord de guitare se cache un lonesome cowboy ( qui fume une cigarette lorsqu’il a réussi à se faire sponsoriser, ce qui arrive de plus en plus souvent dans le rock actuel ) qui croise au coin d’une rue un vieux et pauvre noir aveugle qui pleure en soufflant dans un harmonica. Cœur rebelle et âme perdue. Pas mieux comme casting. N’ont pour toute richesse que leur solitude et leur désespoir. Mais les ont gagnés de haute lutte.

Quand on y réfléchit, ce n’est ni plus ni moins que le mythe du oneself made man. Revu et corrigé certes, de façon à le rendre acceptable aux adolescents qui à leur âge détestent ressembler à leurs pères. Beaucoup de nos louveteaux changeront d’avis en cours de route, mais ceci est une autre histoire.

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Les IWW dans la grève générale de Seattle de 1919

Strikers gather groceries as the strike begins.Une tentative de compréhension de l’implication réelle des IWW [Industrial Workers of the World, Travailleurs Industriels du Monde, syndicat révolutionnaire, regroupant des travailleurs/euses non qualifiés par branche industrielle] dans la grève générale de Seattle de 1919, tentative entravée par les mythes créés par la presse capitaliste et les leaders syndicaux de l’AFL de l’époque [American Federation of Labour, Fédération Américaine du Travail, qui regroupe essentiellement des travailleurs qualifiés dans des syndicats de métier, sur une base réformiste].

La grève générale de Seattle est un événement très important dans l’histoire du Nord-Ouest du Pacifique. Le 6 février 1919, les travailleurs/euses de Seattle devinrent les premierEs dans l’histoire des Etats-Unis à participer à une grève générale officielle. Cependant, beaucoup de gens savent très peu, si ce n’est rien, sur cette grève. Il est possible que le caractère capital de l’événement ait été perdu du fait de l’absence de violence, ou peut-être est-ce parce qu’il n’y eut pas de changements visibles dans la ville à la suite de l’événement. Mais la grève est une étape importante pour le mouvement ouvrier aux États-Unis, ne serait-ce que pour ce qu’elle représente. Les travailleurs/euses ont exprimé leur puissance à travers une action massive de solidarité, et ont démontré à la nation la puissance potentielle de la main d’oeuvre organisée. C’était une époque où les travailleurs/euses étaient généralement diviséEs selon des lignes idéologiques qui les empêchaient de parvenir très souvent à de telles actions de masses.
Pour beaucoup à l’époque, cependant, la grève représentait quelque chose d’autre: quelque chose de plus sinistre et extrême. Pour beaucoup des locaux/ales de Seattle, la grève était le début d’une tentative de révolution par les «IWW » et d’autres ayant les mêmes tendances radicales. Ces gens virent l’échec de la grève comme le triomphe du patriotisme dans la face du radicalisme parti trop loin. L’obstination de ces conservateurs/rices à voir les IWW derrière la grève à ce moment-là a créé un mystère quant à l’importance réelle du rôle des « Wobblies » [surnom donné aux membres des IWW] dans la grève générale de Seattle.

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Black Mirror