Archives mensuelles : septembre 2013

North Dakota, Road 85, la nouvelle ruée vers l’or noir.

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150 kilomètres de route rectiligne au milieu de la pampa, du wilderness, et des pâturages à perte de vue du Dakota du Nord. Mais depuis quelques années, cette ancienne terre de bisons et d’indiens, constitue le nouvel eldorado américain, paradis moderne pour quiconque veut se faire un bon petit paquet  d’oseille sans trop craindre les boues toxiques engendrées par l’extraction des pétroles et autres gaz de schiste. Voilà que ce petit tronçon de route est devenu en cinq ou six années, le nouveau centre stratégique de la production d’hydrocarbures des Etats-Unis. Ces derniers seraient, avec cette découverte, à nouveau quasi autonomes au niveau énergétique. Et les experts et autres ingénieurs de service d’assurer qu’il y en a encore pour 15 bonnes années à extirper la substantifique moelle,  les 7 milliards de barils qui s’y trouvent. Alors, les gars accourent de tous les Etats, qui pour conduire les camions, qui pour les réparer, qui pour bosser au fracking, qui pour construire la 2×3 voies… En espérant ainsi pouvoir rembourser le crédit contracté au pays, éponger leur dettes, voire même peut-être mettre un peu d’argent de côté. Les salaires sont encore élevés pour l’instant, de l’ordre de 10000 dollars par mois d’après les chiffres officiels. 65000 jobs ont déjà été pris et au moins 20000 autres attendent preneurs. Mais quand la main d’œuvre se fera moins rare et que les postes seront tous pourvus gageons que les patrons s’empresseront de baisser les payes… Que restera-t-il  alors ? Seulement les conditions précaires de travail à bosser durement plus d’heures par jour qu’il n’y en a de soleil en hiver ? Seulement les caravanes pourries dans lesquelles on loge pour ne pas voir toute sa thune partir en motel ? Ou bien, une région sinistrée aux sols ravagés ? On verra bien. Pour l’instant c’est la ruée vers l’or.

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Workin’ class heroes II

Deux films sur les prolos américains des années 70 et leurs luttes…

BluecollarposterLe premier, Blue Collar de Paul Schrader (1971), relate l’histoire de trois ouvriers – deux noirs et un blanc – de chez Ford à Detroit. Ils en ont marre de se faire exploiter pour des clopinettes, et ils en ont marre également du syndicat corrompu qui est sensé les représenter. Il décide de se faire la caisse du syndicat… Ce polar, qui n’a pas pris une ride, explore, entre chronique sociale et film politique, la collusion structurelle des syndicats avec le pouvoir.

La bande annonce.

Et un extrait de la B0, Hard workin’ man de Captain Beefheart  :

 

220px-Harlan_county_usaLe second, Harlan County USA de Barbara Kopple (1976), est un prodigieux documentaire qui suit la lutte de mineurs du Kentucky. Lutte âpre et difficile contre le patron, les jaunes et le syndicat officiel, avec son lot de tension extrême sur les piquets, d’intervention d’hommes de mains, de morts… Ambiance exploitation comme au XIXème siècle. Extrêmement bien filmé, on se perd parfois à penser que c’est une fiction façon thriller, et non plus, bel et bien, un documentaire. Enfin, on apprécie tout particulièrement la bande son du film composée entièrement de chansons de lutte folk, country, blues et bluegrass…

On peut télécharger le film : ici. Et les sous-titres inédits en français, .

Et pour la bande originale, c’est : !

Et un petit morceau tout de suite, Coal miner’s grave d’Hazel Dickens :

Occupy, cette agaçante interruption du business as usual

Un petit texte déjà publié il y a un peu plus d’un an sur internet, qui donne un aperçu sur le grand mouvement qui a bien secoué les États-Unis d’octobre à décembre 2011. Un point de vue enthousiaste sur le mouvement Occupy par Charles Reeves.

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Les révoltes du printemps arabe ont fait tomber des gouvernements autocratiques, remplacés dans la foulée par des régimes de démocratie parlementaire, dans lesquels les classes dirigeantes ont pu préserver leur pouvoir — confirmant, une fois de plus, la nature commune de ces deux formes de gouvernement des pauvres. Avec le mouvement des Indignés européens – grecs et espagnols en particulier – nous avons fait un saut qualitatif, nous sommes passés à la critique des systèmes représentatifs. Et cette critique est maintenant reprise et développée, outre-Atlantique, par le mouvement Occupy. Que ces questions soient posées dans la société constituant la clé de voûte du système capitaliste est en soi d’une grande importance.

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Workin’ class heroes I

Extrait de Tribulations d’un précaire de Iain Levison.

« Au cours des dix dernières années, j’ai eu quarante-deux emplois dans six États différents. J’en ai laissé tomber trente, on m’a viré de neuf, quant aux trois autres, ça a été un peu confus. C’est parfois difficile de dire exactement ce qui s’est passé, vous savez seulement qu’il vaut mieux ne pas vous représenter le lendemain.

Sans m’en rendre compte, je suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne du Tom Joad des Raisins de la colère. A deux différences près. Si vous demandiez à Tom Joad de quoi il vivait, il vous répondait : « Je suis ouvrier agricole. » Moi, je n’en sais rien. L’autre différence, c’est que Tom Joad n’avait pas fichu quarante mille dollars en l’air pour obtenir une licence de lettres.

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Montréal, là où sourient les flics…

20100610-172144-gÉtrange aperçu de la vie quotidienne montréalaise que de passer quelques jours à sillonner la capitale du Québec. On se représente le Canada un peu comme les pays scandinaves, c’est-à-dire un de ces pays où tout-le-monde-il-est-beau-il-est-gentil. Un de ces endroits où tout le monde bosse car il y a du travail, où chacun fait son job honnêtement parce que c’est simplement comme ça que ça se passe.

Eh bien, difficile d’être déçu. Au contraire, être plongé dans cette sérénité du quotidien est bien déconcertant. On est, tour à tour, rapidement tenté de se laisser gagner par cette bonne humeur générale, et terriblement angoissé par ce monde parfait sans saveurs sans tensions sans passions. Comment décrire ce léger embarras lorsque le commerçant qui va te refourguer sa marchandise te lance un « Salut ! Ça va bien ?! » d’un air jovial et complice comme si on était pote, frère, camarade, ou peut-être seulement concitoyen ? Comment expliquer le choc et la gêne que tu te prends quand tu te retrouves pris dans une espèce de quiproquo avec un flic et qu’il te gratifie d’un sourire et même d’un rire de bon cœur ? Étrange, brrr…, terrifiant… Mais qu’est-ce qu’il se passe ici ?

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