Fireworks n°3

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Sortie, qui date déjà un peu c’est vrai, du n°3 de « Fireworks – a Bay Area anarchist news magazine« , journal anar de San Francisco, Oakland et alentours. Au sommaire, la lutte contre la surveillance et les caméras, la bataille contre Google et la gentrification de la ville, le compte-rendu des initiatives et actions des réseaux « antagonistes » comme ils disent, et un retour sur la grande grève de la faim qui a secoué les prisons californiennes durant l’été 2013 (30000 taulards en mouvement !)…

On achève bien les chevaux…

Fiction de Sydney Pollack (1969).

En pleine crise des années 1930 en Californie, un marathon où les candidats dansent jusqu’à épuisement pendant des jours pour gagner de quoi manger et une prime pour les vainqueurs est organisé pour divertir les puissants. On achève bien les chevaux quand ils sont blessés… Ici ce sont les pauvres, accablés par le chômage, qu’on écrase une dernière fois en faisant de leur misère un spectacle terrifiant que les plus riches aiment regarder pour se rappeler qu’ils ne sont pas de la même classe… Ce film est inspiré du roman homonyme de Horace McCoy.

Wobblies & hobos – 1905-1919

nicoleschulman_64627_coverforwobbliesgraphichistoryIndustrial Workers of the World : agitateurs itinérants aux USA

Toujours à la recherche des racines mythiques du rock ’n’ roll. Pour situer par rapport à de précédentes livraisons nous rappellerons que Woody Guthrie est né en 1915, à peu près au moment où l’histoire racontée par ce livre s’achève. Bien que le bouquin soit livré avec un CD de 21 chansons, dont nous reparlerons à la fin de cet article, son sujet est avant tout d’ordre politique. Il est sûr qu’avec L’Insomniaque (43 rue de Stalingrad / 93 000 Montreuil / 01 48 59 65 42) comme maison d’éditions, l’on ne peut s’attendre à une littérature à l’eau de rose, plutôt du rouge sang et du noir anarchie.

L’on ne fait pas de la musique uniquement avec des instruments et des notes. Ce serait trop facile. Faut encore dépendre d’une culture à laquelle on se rattache au moins phantasmatiquement. Les images d’Epinal que véhiculent le rock sont bien connues. Derrière chaque accord de guitare se cache un lonesome cowboy ( qui fume une cigarette lorsqu’il a réussi à se faire sponsoriser, ce qui arrive de plus en plus souvent dans le rock actuel ) qui croise au coin d’une rue un vieux et pauvre noir aveugle qui pleure en soufflant dans un harmonica. Cœur rebelle et âme perdue. Pas mieux comme casting. N’ont pour toute richesse que leur solitude et leur désespoir. Mais les ont gagnés de haute lutte.

Quand on y réfléchit, ce n’est ni plus ni moins que le mythe du oneself made man. Revu et corrigé certes, de façon à le rendre acceptable aux adolescents qui à leur âge détestent ressembler à leurs pères. Beaucoup de nos louveteaux changeront d’avis en cours de route, mais ceci est une autre histoire.

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Train hopping & the Crew Change Guide

2188193969_773222d01b_bLe train hopping consiste à choper le train en marche et voyager gratos à travers le continent. Pratiquer par les hobos, vagabonds et autres galériens du train durant la grande crise de 29, le freight train hopping (voyage en train de marchandise) n’a cessé depuis d’être un bon moyen de se déplacer et de voyager pour des générations d’américains et de canadiens sans le sou.

Une « sous-culture » hobo et train-hopper continue d’exister en Amérique du Nord. Les voyageurs se refilent tuyaux et conseils. Que ça soit sur les types de trains de marchandises auxquels il faut s’accrocher au vol pour pouvoir grimper facilement ou ceux qui permettent de passer un trajet plus confort : les wagons à bétail bien classiques (« boxcar », d’où le titre du livre Boxcar Bertha), les « IM’s » (Intermodal containers, appelé aussi « Hotshots » or « Double Stack »), et ceux nommés « Junk » (wagons mixtes). Un certain nombre de recommandation sont souvent filés sur les fringues (vêtements chauds et solides), mais aussi sur les bons spots où grimper, sur les flics et les vigiles, etc etc…

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Les IWW dans la grève générale de Seattle de 1919

Strikers gather groceries as the strike begins.Une tentative de compréhension de l’implication réelle des IWW [Industrial Workers of the World, Travailleurs Industriels du Monde, syndicat révolutionnaire, regroupant des travailleurs/euses non qualifiés par branche industrielle] dans la grève générale de Seattle de 1919, tentative entravée par les mythes créés par la presse capitaliste et les leaders syndicaux de l’AFL de l’époque [American Federation of Labour, Fédération Américaine du Travail, qui regroupe essentiellement des travailleurs qualifiés dans des syndicats de métier, sur une base réformiste].

La grève générale de Seattle est un événement très important dans l’histoire du Nord-Ouest du Pacifique. Le 6 février 1919, les travailleurs/euses de Seattle devinrent les premierEs dans l’histoire des Etats-Unis à participer à une grève générale officielle. Cependant, beaucoup de gens savent très peu, si ce n’est rien, sur cette grève. Il est possible que le caractère capital de l’événement ait été perdu du fait de l’absence de violence, ou peut-être est-ce parce qu’il n’y eut pas de changements visibles dans la ville à la suite de l’événement. Mais la grève est une étape importante pour le mouvement ouvrier aux États-Unis, ne serait-ce que pour ce qu’elle représente. Les travailleurs/euses ont exprimé leur puissance à travers une action massive de solidarité, et ont démontré à la nation la puissance potentielle de la main d’oeuvre organisée. C’était une époque où les travailleurs/euses étaient généralement diviséEs selon des lignes idéologiques qui les empêchaient de parvenir très souvent à de telles actions de masses.
Pour beaucoup à l’époque, cependant, la grève représentait quelque chose d’autre: quelque chose de plus sinistre et extrême. Pour beaucoup des locaux/ales de Seattle, la grève était le début d’une tentative de révolution par les «IWW » et d’autres ayant les mêmes tendances radicales. Ces gens virent l’échec de la grève comme le triomphe du patriotisme dans la face du radicalisme parti trop loin. L’obstination de ces conservateurs/rices à voir les IWW derrière la grève à ce moment-là a créé un mystère quant à l’importance réelle du rôle des « Wobblies » [surnom donné aux membres des IWW] dans la grève générale de Seattle.

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Black Mirror

Récit d’une semaine de révolte à Ferguson

4-176Ce qui a commencé comme un mouvement de protestation après 10 jours de mépris soutenu a fait quelques pas hésitants vers la révolte. La situation ici est encore fluide et mûre avec du potentiel. Localement, les gens sont surpris que des troubles similaires ne se soient pas déclenchés dans d’autres villes. Si elle venait à se propager, le périmètre ici s’élargirait probablement. Il est difficile de se faire une idée de la façon dont les gens en dehors de la région métropolitaine interprètent ce qui se passe ici. Ce qui suit sont quelques observations de résidents de St Louis et participants à la lutte qui pourrait donner une image plus claire de cette nouvelle réalité étrange.

Voitures, flingues et révolte en Amérique

West Florissant est la route principale qui traverse le comté de St-Louis et le nord de la ville. Une étendue d’un quart de mile de la route a été le lieu de rassemblement pour les manifestants. Juste à l’extérieur de ça, dans un parking de centre commercial, c’est la zone de transit commune pour la police (venant de la Ville, du comté, ainsi que des dizaines de petites communes), la Highway Patrol, et la garde nationale. La petite portion est le foyer de nombreux commerces pillés et brûlés (à des degrés divers) incluant la chaîne de magasins QT – qui est devenu un point de repère, de destination touristique, et un lieu de rassemblement pour les manifestants. Canfield Drive se croise avec cette zone de west florissant, une route qui mène aux subdivisions et complexe d’appartements où Mike Brown a été tué. La police craint de s’aventurer trop loin dans Canfield.

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Emeutes à Ferguson, Missouri – août 2014

fergus_mikeDans l’après-midi du samedi 9 août 2014, un adolescent noir de 18 ans, Mike Brown dit « Mike Mike », a été assassiné par un flic du service de police de la ville de Ferguson, située à 12 miles environ au nord-ouest de la ville de S-Louis (Missouri, centre des Etats-Unis). Il a été abattu de plusieurs balles (6 dans le dos et 2 dans la tête)*. Des centaines de résidents se sont immédiatement rassemblés autour du lieu de l’assassinat, débordant sur la rue principale, W. Florissant, et en la bloquant partiellement. Des gens et proches en pleurs se sont rendus sur le lieu du meurtre et ont été accueillies avec des fusils d’assaut et des chiens policiers, tandis que la police fermaient l’accès à la ville en bloquant la rue principale (Florissant). La nuit suivante, le dimanche 10 août, une autre veillée aux chandelles a été appelée par la famille de Mike et des multiples garants de la paix sociale (paroisses diverses et associations, dont la NAACP**). Cet événement, qui a réuni plus d’un millier de personnes, a pris rapidement et naturellement une toute autre tournure. Les larmes de tristesse se sont transformées en actes de rage. Un résumé de récits d’anarchistes ayant participé à cette nuit de révolte :

fergus12Les manifestant-es se sont rassemblé-es dimanche soir dans une atmosphère pacifique et de peur, où des personnes ont défilé dans les rues et devant la police avec les mains en l’air (en référence avec l’attitude que Mike Brown a eu face aux flics). Mais peu de gens étaient calmes, et très rapidement des centaines de personnes ont convergé massivement en allant en direction des lignes de flics aux cris « assassins », « nique la police » (le nombre de participant-es oscillant entre 600 et 1000)… Quelques objets pleuvent sur les flics, des véhicules de police passent à travers la foule tout doucement mais la quatrième voiture est bloquée par des manifestant-e-s, qui montent sur le capot, donnent des coups de pieds sur la carrosserie: des vitres sont pétées, et des manifestant-es ouvrent de force une portière mais la voiture part brusquement avant que les flics à l’intérieur puissent y être extraits. Beaucoup de monde renonce à avoir peur.

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Notes d’Alabama

Community Free Clinic  exterior FLEXY todayTexte de Curtis Price. Repris du site Article 11.

Je patiente dans une file d’attente du dispensaire d’Huntsville, Alabama. Dernier recours médical, il est fréquenté par les pauvres et les ouvriers du coin qui ne sont pas couverts par le très restrictif programme de sécurité sociale de l’Alabama. Beaucoup des utilisateurs de ce service gratuit ont un emploi, mais ce dernier ne leur assure aucune forme d’assurance santé. Tenu par des bénévoles, le lieu constitue l’ultime bouée de sauvetage médicale pour nombre de personnes, quel que soit le type de soin dont ils ont besoin.

Aujourd’hui, on renouvelle les ordonnances. Un rendez-vous qui a lieu deux fois par semaine. Le dispensaire a recours au programme d’approvisionnement gratuit proposé par les compagnies pharmaceutiques. Cela lui permet couvrir les ordonnances aux personnes incapables de payer. Intitulé « Soins charitables », ce service n’est en rien offert dans un but philanthropique par ces compagnies. Elles le voient plutôt comme un bon moyen de rejeter d’un bloc toute autre volonté d’améliorer la prise en charge publique des politiques de santé ou de fixer un plafond au prix des médicaments qui s’envole.

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La crise en Californie.

Tout ce que touche le capitalisme devient toxique

Texte de Gifford Hartman publié en janvier 2010 sous le titre « Crisis in California: Everything Touched by Capital Turns Toxic »

 « Je serais très content si vous pou­viez me trou­ver quoi que ce soit de bon (sub­stan­tiel) rela­tif aux condi­tions éco­no­miques en Californie …. Pour moi, la Californie est très impor­tante car nulle part ailleurs, le bou­le­ver­se­ment dû à la concen­tra­tion capi­ta­liste ne s’est ins­tallé à une telle vitesse et de façon aussi cyni­que. »

Lettre de Karl Marx à Friedrich Sorge, 1880

La concen­tra­tion capi­ta­liste qu’obser­vait Marx en 1880 s’est pour­sui­vie jusqu’à aujourd’hui avec une telle rapi­dité que les condi­tions éco­no­miques en Californie ont mûri au point d’en être deve­nues toxi­ques (1). Tandis qu’il pollue autant l’envi­ron­ne­ment rural que l’espace urba­nisé, le capi­tal a atteint un niveau de pro­duc­ti­vité et une capa­cité à accroître la pro­duc­tion de mar­chan­di­ses encore jamais ima­ginés. Cette sur­ca­pa­cité est en contra­dic­tion fla­grante avec son inca­pa­cité crois­sante à satis­faire les besoins humains ; l’inca­pa­cité du capi­tal à accu­mu­ler de la valeur rend super­flus des sec­teurs entiers de la classe ouvrière. C’est dans la vallée cen­trale de Californie que ces condi­tions sont deve­nues les plus dan­ge­reu­ses ; des mai­sons inoc­cupées côtoient la misère sor­dide des nou­veaux sans-abris qui se réfugient dans des vil­la­ges de tentes (Tent Cities) (2) et des bidon­vil­les déjà sur­peu­plés et qui pro­lifèrent. Ce bou­le­ver­se­ment révèle les mys­ti­fi­ca­tions du capi­ta­lisme et en montre sa réalité, comme on le voit avec les chif­fres du tableau sui­vant pour l’ensem­ble des Etats-Unis :

Les saisies aux Etats-Unis

Nouvelles expul­sions : 6 600 par jour
Une expul­sion toutes les 13 secondes (3)
Nombre de loge­ments inoc­cupés : 19 000 000 (4)
Nombre de per­son­nes sans loge­ment : 3 500 000 (y com­pris 1 350 000 enfants) (5)

Ainsi le calcul est simple :

Il y a au moins cinq loge­ment vides par per­sonne sans domi­cile !

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