Echanges n°8 (1977).
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Archives par mot-clé : industrie
Détroit, ville sauvage
Bienvenue à Détroit, ancienne capitale de l’automobile, devenue capitale du crime où l’herbe pousse sur les parkings et où les bâtiments s’effondrent. Ici, bien que les graffitis annoncent des jours apocalyptiques, un nouveau mode de vie prend forme. Détroit Ville Sauvage observe avec intelligence, coolitude, philosophie et distance, les changements dans les paysages urbains à ce moment historique où le « post » s’écrit avant « utopie » ou « dollar ».
D’invisibles désastres ont ruiné la ville. Tout ce qui reste, ce sont des spots radio pour lutter contre l’endettement, des gangs de chiens errants, et un mystérieux tas de bibles calcinées. Mais au delà de cela, les gens ont commencé à se réorganiser en sociétés autonomes, où les pionniers font pousser des légumes et croient de nouveau au futur. Florent Tillon dirige sa camera sélective vers où les nouvelles idées poussent, parmi les ruines du XXe siècle et de son « progrès éternel ».
Vidéos reprises du site Lundi matin.
Lordstown 1972 : les déboires de la General Motors
I.
Inaugurée en juin 1970, l’usine où l’on monte la voiture « super-compacte » Vega est revenue à plus de 100 millions de dollars à la General Motors (GM). La nouvelle unité de fabrication d’une conception ultramoderne et bourrée d’innovations technologiques, devait permettre de faire face à la crise que traverse l’industrie automobile américaine face à la saturation du marché et à la concurrence étrangère. Elle se trouve à Lordstown (Ohio). Selon le directeur général de Chevrolet, dont la division prenait en main l’usine, celle-ci représentait « un niveau de qualité qui n’a encore jamais été atteint, en matière de fabrication, dans ce pays ni probablement dans le monde entier ». Il ajouta que les 8.000 employés de Lordstown étaient « très attachés à cette usine ». « C’est la voie de l’avenir », observait, après une visite, un analyste boursier dans le Wall Street Journal.
Que Lordstown soit devenu « la voie de l’avenir », c’est ce que nous nous proposons de montrer ici. Nous n’irons cependant pas jusqu’à prétendre que notre point de vue corresponde aux espérances des habitués de Wall Street ! En février 1972, les ouvriers à Lordstown votent à 97% une grève pour riposter aux mesures de réorganisation et aux suppressions d’emploi décidées par la division montage de la GM (GMAD), qui a remplacé la division Chevrolet à la tête de l’usine. Mais les ouvriers dont l’âge moyen est de 24 ans n’avaient pas attendu la décision de grève pour passer aux actes. Et quels actes ! Selon le New York Review du 23 mars 1972, « Dès avant ce vote, les usines de Lordstown s’étaient acquises une triste célébrité : changements de direction, licenciements, sanctions disciplinaires, augmentation des défauts de fabrication, protestation des ouvriers contre l’accélération des chaînes de montage, coulage des temps, absentéisme élevé, accusations répétées de sabotage. La direction affirme que les ouvriers ont rayé les peintures, détérioré les carrosseries, les sièges et les tableaux de bord des voitures, et elle a offert 5.000 dollars de récompense à toute personne qui donnerait des renseignements sur un incendie qui s’est déclaré dans les circuits électriques de la chaîne de montage elle-même. » Le New York Times précise le tableau : « La production a été sérieusement désorganisée sur la chaîne de montage la plus rapide du monde… GM estime que la perte de production s’élève à 12.000 voitures Vega et à quelque 4.000 camions Chevrolet, pour une valeur d’environ 45 millions de dollars. La direction a dû fermer l’usine à plusieurs reprises depuis le mois dernier après que les ouvriers eurent ralenti les cadences et laissé passer des voitures sur la chaîne sans effectuer toutes les opérations. »
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La crise en Californie.
Tout ce que touche le capitalisme devient toxique
Texte de Gifford Hartman publié en janvier 2010 sous le titre « Crisis in California: Everything Touched by Capital Turns Toxic »
« Je serais très content si vous pouviez me trouver quoi que ce soit de bon (substantiel) relatif aux conditions économiques en Californie …. Pour moi, la Californie est très importante car nulle part ailleurs, le bouleversement dû à la concentration capitaliste ne s’est installé à une telle vitesse et de façon aussi cynique. »
Lettre de Karl Marx à Friedrich Sorge, 1880
La concentration capitaliste qu’observait Marx en 1880 s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui avec une telle rapidité que les conditions économiques en Californie ont mûri au point d’en être devenues toxiques (1). Tandis qu’il pollue autant l’environnement rural que l’espace urbanisé, le capital a atteint un niveau de productivité et une capacité à accroître la production de marchandises encore jamais imaginés. Cette surcapacité est en contradiction flagrante avec son incapacité croissante à satisfaire les besoins humains ; l’incapacité du capital à accumuler de la valeur rend superflus des secteurs entiers de la classe ouvrière. C’est dans la vallée centrale de Californie que ces conditions sont devenues les plus dangereuses ; des maisons inoccupées côtoient la misère sordide des nouveaux sans-abris qui se réfugient dans des villages de tentes (Tent Cities) (2) et des bidonvilles déjà surpeuplés et qui prolifèrent. Ce bouleversement révèle les mystifications du capitalisme et en montre sa réalité, comme on le voit avec les chiffres du tableau suivant pour l’ensemble des Etats-Unis :
Les saisies aux Etats-Unis
Nouvelles expulsions : 6 600 par jour
Une expulsion toutes les 13 secondes (3)
Nombre de logements inoccupés : 19 000 000 (4)
Nombre de personnes sans logement : 3 500 000 (y compris 1 350 000 enfants) (5)
Ainsi le calcul est simple :
Il y a au moins cinq logement vides par personne sans domicile !
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Exploration urbaine : la packard plant à Detroit
North Dakota, Road 85, la nouvelle ruée vers l’or noir.
150 kilomètres de route rectiligne au milieu de la pampa, du wilderness, et des pâturages à perte de vue du Dakota du Nord. Mais depuis quelques années, cette ancienne terre de bisons et d’indiens, constitue le nouvel eldorado américain, paradis moderne pour quiconque veut se faire un bon petit paquet d’oseille sans trop craindre les boues toxiques engendrées par l’extraction des pétroles et autres gaz de schiste. Voilà que ce petit tronçon de route est devenu en cinq ou six années, le nouveau centre stratégique de la production d’hydrocarbures des Etats-Unis. Ces derniers seraient, avec cette découverte, à nouveau quasi autonomes au niveau énergétique. Et les experts et autres ingénieurs de service d’assurer qu’il y en a encore pour 15 bonnes années à extirper la substantifique moelle, les 7 milliards de barils qui s’y trouvent. Alors, les gars accourent de tous les Etats, qui pour conduire les camions, qui pour les réparer, qui pour bosser au fracking, qui pour construire la 2×3 voies… En espérant ainsi pouvoir rembourser le crédit contracté au pays, éponger leur dettes, voire même peut-être mettre un peu d’argent de côté. Les salaires sont encore élevés pour l’instant, de l’ordre de 10000 dollars par mois d’après les chiffres officiels. 65000 jobs ont déjà été pris et au moins 20000 autres attendent preneurs. Mais quand la main d’œuvre se fera moins rare et que les postes seront tous pourvus gageons que les patrons s’empresseront de baisser les payes… Que restera-t-il alors ? Seulement les conditions précaires de travail à bosser durement plus d’heures par jour qu’il n’y en a de soleil en hiver ? Seulement les caravanes pourries dans lesquelles on loge pour ne pas voir toute sa thune partir en motel ? Ou bien, une région sinistrée aux sols ravagés ? On verra bien. Pour l’instant c’est la ruée vers l’or.
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Montréal, là où sourient les flics…
Étrange aperçu de la vie quotidienne montréalaise que de passer quelques jours à sillonner la capitale du Québec. On se représente le Canada un peu comme les pays scandinaves, c’est-à-dire un de ces pays où tout-le-monde-il-est-beau-il-est-gentil. Un de ces endroits où tout le monde bosse car il y a du travail, où chacun fait son job honnêtement parce que c’est simplement comme ça que ça se passe.
Eh bien, difficile d’être déçu. Au contraire, être plongé dans cette sérénité du quotidien est bien déconcertant. On est, tour à tour, rapidement tenté de se laisser gagner par cette bonne humeur générale, et terriblement angoissé par ce monde parfait sans saveurs sans tensions sans passions. Comment décrire ce léger embarras lorsque le commerçant qui va te refourguer sa marchandise te lance un « Salut ! Ça va bien ?! » d’un air jovial et complice comme si on était pote, frère, camarade, ou peut-être seulement concitoyen ? Comment expliquer le choc et la gêne que tu te prends quand tu te retrouves pris dans une espèce de quiproquo avec un flic et qu’il te gratifie d’un sourire et même d’un rire de bon cœur ? Étrange, brrr…, terrifiant… Mais qu’est-ce qu’il se passe ici ?